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Critiques de pièces de théâtre

Les femmes – Théâtre des Célestins 13/11/2011

Filed under: Spectacles — contemptheatre @ 19:53

Mon Dieu, que c’était beau! Cela faisait très longtemps que je n’avais pas pleuré au théâtre, mais les mots de Sophocle, renforcé par la mise en scène de Mouawad et par la force de la voix de Cantat… Ils m’ont achevé.

Reprenons: Wadji Mouawad se consacre ces derniers temps au projet de mettre en scène les 7 tragédies de Sophocle. Le premier volet de ce projet, intitulé Les Femmes puisqu’il présente Les Trachiniennes, Antigone et Electre, a été inauguré à Avignon et avait fait la polémique (encore plus disproportionnée au Québec) car Mouawad a demandé à son ami Bertrand Cantat de faire la musique des chœurs, et de l’interpréter sur scène. La voix de l’ancien chanteur de Noir Désir apporte une force émotionnelle intense dans un texte poétiquement parfait.

Les Trachiniennes

C’est une réussite de bout en bout. Je suis allée voir le spectacle dans sa forme intégrale, c’est-à-dire les trois pièces jouées bout à bout pour un totale de 6 heures de pur bonheur. Les pièces se jouent également seules cette semaine encore aux Célestins, donc si vous avez peur de l’intégrale (encore à l’affiche le week end prochain), allez ne serait-ce qu’en voir qu’une, ça vaut le détour !

Les trois pièces forment un vrai cycle, avec des images qui reviennent (l’eau, toujours l’eau !) et bien sûr le cast est le même pour les trois pièces : Créon est Egysthe, Ismène est Electre, Déjanire est Clytemnestre, etc. Laissez-moi faire un survol des faits qui m’ont marqué :

Les Trachiniennes

C’est la pièce d’ouverture, donc le public découvre le plateau, la mise en scène, les acteurs, mais surtout la musique. La force de la voix de Cantat, la beauté des paroles prend le public complètement au dépourvu : certains sont décontenancés car insérer du rock dans Sophocle, c’est osé (et le volume sonore n’est pas des moindres) et d’autres (comme moi) se laissent complètement emportés par ce déferlement d’émotions. Cela remet bien le chœur dans sa fonction antique cathartique !

La belle trouvaille a été de faire jouer Héraclès mourant par… l’actrice jouant jusqu’ici Déjanire, donnant toute sa profondeur aux complaintes du héros qui se plaint d’avoir à mourir comme une femme. L’interprète, Sylvie Drapeau, était plus que convaincante en héros déchu et désabusé par une mort indigne de lui.

Antigone

Antigone

Ma pièce préférée dans les trois, où je n’ai pu retenir mes larmes. Je voudrais tout d’abord saluer l’interprétation de Patrick Le Mauff qui nous offre un Créon imposant, nuancé et surtout naturel, ce qui est très difficile avec les textes antiques. La façon de parler, les logorrhées poétiques, donnent souvent à l’oral une prononciation affectée. Mais Le Mauff va jusqu’au bout de son talent pour effacer complètement la distance entre le tyran de Sophocle et le public contemporain. C’était vraiment magistral. La mise en scène était magnifique pour l’enterrement d’Antigone : l’actrice est debout sur scène, et peu à peu elle disparaît derrière le mur de pierres construit sous nos yeux. Le tout sur la magnifique chanson de Brigitte Fontaine, Les Vergers, interprétée par un Cantat qui nous brise le cœur. De même à la fin, quand Créon sombre dans la folie, Mouawad a choisi d’incarner ses délires en montrant le mariage d’Antigone et de son fils Hémon, tous deux suicidés, aux Enfers, entourés des morts de la pièce : image très forte.

Electre

Electre

Mouawad rend à cette tragédie sa puissance organique : on se situe très loin des mises en scène  propres ! Electre est dans la boue, dans le sang, sous la pluie. Elle nous rappelle une sans-abri abandonnée de tous, rendue folle par la colère, personnifiant les Furies de ses cris perçants. Encore une fois, saluons l’actrice qui tient ce rôle extrêmement difficile (surtout qu’elle m’avait moyennement convaincu en Ismène). Je regrette un peu le fait que cette pièce introduisait moins la musique (c’est dû au rôle limité du chœur dans le texte) car je m’étais tellement habituée aux poussées d’intensités que cela m’a manqué pour la dernière pièce. Mais on finit sur une note tout aussi magnifique…

J’ai beaucoup répété les mots « magnifique » et « magistral » je sais, mais vraiment cette trilogie est à ne pas manquer. Alors guettez son arrivée dans votre ville !

 

1 Responses to “Les femmes – Théâtre des Célestins”

  1. Minyu Says:

    Personnellement, j’ai vu Antigone (cela fait quelques mois déjà) et je n’ai pas trouvé ça transcendant, loin de là… Certes, certaines significations sont intéressantes, mais c’est à peu près tout ce qui m’a plu. Une musique qui fait trembler les murs du théâtre, des scènes coupées et donc une pièce à la fin précipitée, une actrice on ne peut moins persuasive dans le rôle principal…


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